Nocturne - Sur cette plage














Sur cette plage…



La quarantaine… Depuis une semaine, je n’entends parler plus que d’elle, et rarement en bien ! Pour Pascal, elle est la cause de ses douleurs dorsales récurrentes, chez Sophie, la raison pour laquelle elle ne trouvera plus de mecs pour lui faire un bébé et d’après Béatrice, la seule responsable de la déconfiture de son couple.
Olivier est parti un matin de 
septembre, sous emprise de « sa crise », rejoindre Anaïs, 21 ans, fine, douce, aussi fraîche et lumineuse qu’une goutte de rosée au levé du soleil…
Ça secoue, et c’est sûr, j’préférais le temps d’avant ! Quand j’ignorais que ce mot se trouvait à la page 827 de mon petit Larousse illustré édition 1980, coincé entre «  quantum » et « quarante » et qu’il ne servait encore qu’aux autres, ces inconnus qui vivent loin, très loin de moi. Parce que ce truc, c’est contagieux. Au début, j’ai pas prêté attention, et puis, c’est arrivé, l’air de rien, comme l’été qui s’installe à la dérobée après un doux printemps, autour de soi d’abord, puis trop près. Sauf que le jour où tu réalises, t’es comme un Inuit sur la plage. T’as pas eu le temps de te préparer, t’es à l’étroit dans ton vêtement fourré et tu transpires partout. Les gouttes de ta sueur te barre la vue, t’obstrue les oreilles et dans ta bouche, le goût du sel. Tu t’assèches, tu as soif et tu es en colère. Pourquoi personne ne m’a prévenu ? Quand ça se passe mal, tu sais bien, c’est toujours la faute des autres. Mais là, y’a personne. Seulement toi. Et la quarantaine, la tienne. Je ne sais pas toi, mais moi, j’me suis assise sur le sable et j’ai attendu. J’avais arrêté de transpirer, j’devais être en rupture de stock, et j’ai regardé la mer, cinq minutes, une heure peut-être. Au bout d’un moment, j’ai remarqué que je me balançais, au rythme de ses vagues. Elle me berçait, je la berçais, j’sais plus bien. Là, j’ai repensé à la quarantaine, à Pascal, Sophie et Béatrice. Mon dos ne me fait pas souffrir, ma cousine a eu son premier bébé à 42 ans et mon père n’a pas quitté ma mère à 40 ans, ni à plus ou moins 3 ans d’ailleurs… j’en ai donc conclu que la quarantaine, soit elle n’était pas là, soit elle n’y était pas pour grand-chose dans toutes ces histoires.
Alors je me suis levée et dévêtue. J’ai senti le sable chaud sous mes pieds, puis la fraîcheur de l’eau. Je me suis laissée glisser à l’intérieur, envahir toute entière et j’me suis dit que ça serait vraiment chouette de souffler mes 36 bougies ici la semaine prochaine pour mon anniversaire.

Sonia COTTIER